Donner les cours aux enfants cette année, en CP et CE2, tout en découvrant des pays aux modèles éducatifs très différents, m’amène à prendre du recul sur le système scolaire français. Et à y voir des opportunités d’offres complémentaires.
Au début du voyage, très fier de mon propre cursus scolaire en France, je n’avais rien à reprocher aux méthodes d’enseignement classiques. Je voulais aider mes enfants à développer un esprit critique, mais uniquement en complément de l’acquisition de connaissances de base indispensables. J’étais donc ravi de les entraîner sur les routes des temps composés de la conjugaison ou dans les méandres des raisonnements mathématiques. Et j’ai appliqué à la lettre le programme des cours d’enseignement à distance, envoyant chaque semaine à la correction en France les devoirs écrits, et espérant recevoir en retour les meilleures notes possibles (je confesse un léger goût pour la compétition…).
L’enthousiasme des enfants était beaucoup plus mesuré devant les efforts demandés, les disciplines cloisonnées, la sanction des notes, le manque de fun. Je n’ai peut-être pas réussi à les intéresser suffisamment… En parallèle, nous avons découvert un système américain qui met l’accent dès le plus jeune âge sur le bien-être des enfants, la confiance en soi, le travail en groupe, la prise de parole en publique : le développement personnel plutôt que l’acquisition de connaissances. Tandis qu’au Japon ou à Singapour, c’est l’inverse, et la compétition effrénée pour l’excellence passe par l’apprentissage d’un maximum de connaissances dès la petite enfance. Et bien entendu nous constatons partout l’énorme avantage que procure la maîtrise de l’anglais, et je frémis en songeant que dans le primaire en France, l’unique professeur de la classe, qui fait donc office de professeur d’anglais, ne sait souvent pas parler anglais lui-même.
Au fur et à mesure du voyage, je me pose donc des questions sur le système scolaire « d’excellence académique » de notre pays, qui peut mener à de « brillantes » études supérieures. Est-ce toujours un système d’excellence aujourd’hui ? Est-ce la meilleure source de développement personnel pour les enfants ? Et les langues ? Au dernier classement PISA de l’OCDE qui mesure les performances comparées des systèmes éducatifs, la France est 26ème, largement distancée par Singapour, 1er, les pays du sud-est asiatiques en général, mais aussi des pays d’Europe. Les raisons seraient à chercher dans la baisse du niveau de l’école publique, ainsi que dans les grandes inégalités de niveau scolaire provenant des catégories sociales et de l’immigration. C’est peut-être aussi la raison pour laquelle les chiffres de l’enseignement à distance et des écoles hors contrat explosent, avec des parents qui retirent leurs enfants du système traditionnel pour privilégier des méthodes alternatives.
OK, mais quelles opportunités business là-dedans ? Commençons par l’excellence académique donc. Aujourd’hui, on trouve largement mieux dans les pays asiatiques, Singapour, Japon, Hong Kong ou Corée du Sud, au prix de très grands efforts demandés aux enfants. Ces derniers enchaînent souvent une journée « normale » à l’école et une soirée à « la deuxième école», complémentaire, privée, qui les pousse sur le chemin de l’excellence pour leur permettre d’intégrer sur concours les meilleures écoles puis les meilleures universités. Parfois au détriment de l’équilibre et du bonheur des enfants, avec par exemple au Japon un taux de suicide des jeunes particulièrement élevé. Les instituts de cours complémentaires sont très développés à Singapour. Citons Kumon, qui applique une méthode japonaise (2ème au classement PISA) pour perfectionner les enfants en langues et mathématiques. La société s’est développée en franchise, avec un grand succès aux Etats-Unis. De nombreux pays restent à ouvrir, dont la France. L’idée pourrait être plus généralement d’ouvrir en France des franchises de cours complémentaires venant de pays réputés pour telle ou telle discipline. Dans un but de recherche d’excellence que ne propose plus l’enseignement public.
Et l’épanouissement personnel des enfants dans tout ça ? La Finlande par exemple, 4ème au classement PISA, a développé un système éducatif public très innovant, dans lequel les professeurs ont une grande latitude pour personnaliser l’enseignement pour chaque élève, en fonction de ses goûts et de sa personnalité. Ce modèle devient une référence en la matière, et des entrepreneurs finlandais ont monté Lifelearn, qui exporte cette Dream School Finlandaise via des partenariats avec des écoles dans des pays émergents comme l’Indonésie. Avec un modèle mêlant le online, avec de nombreux supports en ligne, et le présentiel à l’école, qui peut permettre d’imaginer demain de nouvelles écoles dans lesquelles la présence des enfants pourrait être réduite d’un ou plusieurs jours par semaine, et ainsi permettre à des familles de s’installer loin de l’école de leur choix tout en garantissant l’accès à un enseignement de qualité pour les enfants. Pour la version complémentaire à l’école, des sociétés privées comme Soulkids à Singapour proposent des programmes de bien-être et de confiance en soi pour les enfants, ainsi que des cursus de mentoring pour les parents qui souhaitent pouvoir guider leur progéniture dans cette voie. En France, ce genre de méthode est réservé à des écoles privées, souvent très chères, comme les écoles Montessori. L’idée pourrait donc être de développer en France des franchises de marques reconnues, avec un vrai savoir-faire dans le développement personnel des enfants, et proposer des modules complémentaires à l’enseignement classique français, pour un investissement qui resterait raisonnable pour les parents.
Reste l’Anglais. Comment accepter que l’apprentissage de l’Anglais ne commence réellement qu’en 6ème, et gâcher ainsi des années où les enfants apprennent comme des éponges ? Après avoir testé les cours particuliers en France, qui nécessitent une logistique importante à un coût élevé, nous utilisons Vivaling, start-up montée par un français à Singapour. Les cours sont conçus spécialement pour les enfants et les séances se déroulent en ligne et en live avec un vrai professeur certifié qui peut avoir un ou plusieurs élèves dans sa salle de classe virtuelle. Les vidéos sont enregistrées et les parents peuvent ainsi vérifier le contenu des cours, et les faire revoir dans la semaine aux enfants pour compléter l’apprentissage. Même si je sais que le monde des cours de langue en ligne est une jungle dangereuse, je ne peux m’empêcher d’y voir une vraie opportunité pour des enfants du primaire, accédant au retour de l’école, chez eux et en ligne, à des cours donnés par de vrais professeurs pour un prix raisonnable.
Il existe donc sûrement des moyens de compléter l’enseignement classique français là où le bât blesse, sans se ruiner dans des écoles alternatives hors contrats.
La sclérose de notre système éducatif, vous l’avez bien décrit, Victor et Aude, tient à une absence totale de projet éducatif global. Il n’est donc pas étonnant que les réformes successives de l’Education nationale ne se cantonnent qu’à des recettes de cuisine destinées à étancher quelques faims (fins?) de court terme. L’égalitarisme sacrosaint crée toujours le nivellement par le bas et l’élitisme des grandes écoles est souvent facteur de fixateur de la société dans ses rouages sociaux. La plupart des parents qui sont prompts à la critique ont oublié d’être eux-mêmes les artisans de l’éducation de leurs progéniture. Malheureusement ce constat facile et non récent n’est même pas semble-t-il suffisant pour que nos candidats à la présidence (à l’exception d’un seul je crois) portent cette préoccupation majeure au niveau de leurs programme électoral.
Vous proposez de compléter l’enseignement classique français par un enseignement alternatif. Mais cette posture, pour indispensable qu’elle soit dans un contexte éducatif peu volontariste, ne serait que celle de parents qui n’auraient pas renoncé à participer activement au devenir de leur progéniture?
Alain
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Je lis vos aventures asiatiques avec plaisir, le billet sur le Japon est particulièrement réussi.
Un petit commentaire sur ton article « les opportunités sur le système éducatif français » car c’est bien sûr un sujet qui nous tient à cœur :
Comme toi très fière de notre système d’éducation à mes débuts, j’ai, au grès de la scolarisation de nos 4 enfants dans des systèmes éducatifs/pays différents, mis mes convictions en sacrée veilleuse.
Je me rappelle encore mes réflexions moqueuses en arrivant en Australie : « Vous apprenez quoi au juste aux enfants ? A être heureux, à être bien dans leur peau… Great ! Fine, let’s see ! Et de faire faire des compléments aux enfants pour apprendre à écrire en lettres cursives pendant que leurs amis allaient à la plage…
Simplement en arrivant en France quelques années après, nous avons vite déchanté, et nous constatons même une nette dégradation entre ce qu’ont appris nos ainés en primaire à l’école Franco-italienne de Florence et nos plus jeunes en France à Givry. Non seulement, les enfants n’apprennent pas plus à être heureux en classe avec un système moins compétitif et où la validation des acquis et des compétences remplace aujourd’hui les notes, ni à être plus à l’aise à l’oral. Mais, ils n’apprennent plus beaucoup à compter et à écrire, en tous les cas pas suffisamment… Et nous reprenons systématiquement les cours d’Histoire (ok parce qu’on aime ça !) de nos collégiens devant la pauvreté du contenu.
On a, au final, perdu ce qui faisait notre force, un haut niveau de connaissances académiques pour structurer un raisonnement qui tient la route, mais on n’a pas (encore ?) gagné sur ce qui fait la force de certains systèmes éducatifs dont tu parles.
Nous sommes en plus évidemment, complètement à côté de la plaque sur l’enseignement des langues avec de moins en moins d’heure et de plus en plus d’effectifs par classe. Les lycées français de l’étranger l’ont bien compris : les langues, c’est aujourd’hui pour nos enfants à Zurich, quatre à six heures d’allemand et quatre heures d’anglais par semaine et par groupe de niveaux.
Alors effectivement, face à ce constat, il existe de grandes opportunités pour le système éducatif français et si les initiatives privées comme celles que tu proposes sont forcément à développer en grand nombre et rencontreront certainement beaucoup de succès, elles restent néanmoins privées et concerneront les enfants dont les parents s’investissent dans l’éducation de leurs enfants.
Pas très égalitaire et républicain tout ça !! En attendant, comme l’a dit Kennedy : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays ». Donc continue de réfléchir à l’éducation de nos chers enfants… c’est bien !!
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Bonjour. Cet article est très intéressant.
Je suis sortie du système universitaire á un âge que je qualifierais d’avancé (25 ans) et dont le cursus ne pas servi á grand chose.
En regardant le passé, j’ai de gros regrets personnels mais aussi des critiques envers le système éducatif français.
Je pense qu’on apprend pas aux enfants á croire en eux, ainsi qu’á découvrir le monde.
Aussi, l’apprentissage des mathématiques a été terrible pour moi. Je sentais dés la primaire que je prenais de la distance, et les professeurs continuaient á avancer. Et les mathématiques manquent beaucoup de concret, de nombreuses matières manquent de concret, de mise en pratique.
Les langues viennent beaucoup trop tard et sont mal enseignées.
La philosophie également, l’esprit critique.
Enfin, je trouve que le système éducatif est trop détâché du monde professionnel. Arrivé au bac, on vous demande ce que vous voulez faire, mais á moins que vos parents exercent un métier un peu original, le lycée ne vous propose que le droit, la médecine ou la prépa scientifique.
Et j’ai fait une classe littéraire avec de l’histoire de l’art, ce qui était génial et enrichissant, mais on nous coupait complètement des autres classes et du monde réel.
Je pense qu’il faut encré les enfants dans le réel.
Aujourd’hui, je n’ai pas l’impression d’avoir réussi ma vie et je suis insatisfaite.
Même mon petit frère qui courageusement fait une prépa et des concours piur entrer dans une école d’ingénieur est cassé, fatigué et très déçu par l’enseignement de l’école. Il a l’impression de régresser et/ou de perdre son temps.
Je suis inquiète que la politique et les gouvernants ne se préoccupent pas de l’éducation française.
Un petit aparté sur la compétition. Ce mot ne me plaît pas vraiment. Pousser un enfant á faire mieux que les autres á des limites. Je ne suis pas pour la compétition et les examens á tout va, mais pour qu’un enfant ai confiance en lui et n’ai pas peur de repousser ses limites.
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